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36ème Congrès du CIHA - Lyon 2024

Parrainé par le Ministère de la Culture,
le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Patrimonialisations

Maria Inez Turazzi 1 , Hélène Sirven 2, Yuning Teng 3


1
Université Fédérale Fluminense - Rio De Janeiro (Brazil), 2Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne (France), 3University of Hamburg (Germany)

Sujet en anglais / Topic in english

Patrimonialisations (heritagizations)

The interest in the choices, practices, and social uses of heritage has fostered the appearance and dissemination of the neologism "patrimonialisation" / "heritagization", which has been gradually introduced into the public activity and common sense of the different linguistic communities. The recurrence of a transitive and plural form reveals an emphasis on dynamic and multi-faceted operations applied to heritage objects through the interaction of diverse subjects, logics, frameworks, and experiences. Patrimonialisations provide a particular perspective on history by placing the choice and the preservation of the lieux de memoire (places of memory) at the center of social and political tensions, in the past and present. The discussion of centralizing hegemonies, as well as the attention to local singularities in their interactions with global history, point to new perspectives on patrimonialisations, particularly in postcolonial societies.

How do patrimonialisations operate in their historical genesis? What makes a public or private good, an expertise, a practice, or an event a heritage object? How are they identified and hierarchized? Do these hierarchies have an impact on the conservation and appropriation of heritage objects, as well as their incorporation into an increasingly standardized and globalized value system? Are the actors able to guarantee the preservation of what they transform into heritage for themselves and for future generations? Is it possible to define self- patrimonialisation and over-patrimonialisation? As a consequence of disputes and negotiations, of consensus and dissension, these processes are inserted into the global issues of heritage.

The anthropological approach of the different cultural experiences around these processes "invites us to reconsider the material world as an environment composed of medium, substances, and surfaces in permanent transformation" (CIHA, Call for Sessions). They include artistic creation, places of formation, workshops, exhibition spaces, the art market, the fabrication of materials, and other art subjects and fields. The increasing visibility of heritage assets offers new perspectives for research into these phenomena. Meanwhile, digital technology has brought a profound shift in the cognitive, aesthetic, and affective mobilization of heritage products and processes. Photography, having actively participated in the creation and perception of various heritages, has established a culture based on material and immaterial objects of the past while also undergoing technological and conceptual renewal of its practices and applications. The same could be said of the book, the museum, the monument, the landscape, or the work of art.

Patrimonialisation processes also indicate that material objects from the past and those emerging today are seen as materiality in permanent interaction with the choices of memory and oblivion. Exploring the similarities, differences, and connections between these processes, which can be highly heterogeneous, is essencial to art history, and vice versa. Despite the multiplicity of local approaches to heritage, patrimonialisations are concerned with the same global issues that run through art, its materiality, history, and future (The reference bibliography on the subject can be enriched by various contributions).

Sujet de la session en français / Topic in french

L’intérêt pour les choix, les pratiques et les usages sociaux du patrimoine a favorisé l’émergence et la diffusion du néologisme « patrimonialisation », peu à peu introduit dans l’action publique et les sens commun des différentes communautés linguistiques. La récurrence à la forme transitive et plurielle révèle un accent mis sur les opérations dynamiques et multifacettes appliqués aux objets patrimoniaux par l'interaction de sujets, logiques, cadres et expériences divers. Les systèmes de patrimonialisation permettent un regard particulier sur l'histoire, puisqu'ils placent le choix et la préservation des ‘lieux de mémoire’ au centre des tensions sociales et politiques, du passé et du présent. La remise en cause des hégémonies centralisatrices et l’attention sur les singularités locales dans leur interaction avec l'histoire globale indiquent de nouvelles perspectives sur les patrimonialisations, notamment dans les sociétés postcoloniales.

Comment s'opèrent les patrimonialisations dans leurs genèses historiques ? Comment un bien public ou privé, un savoir-faire, une pratique ou un événement deviennent-ils des objets patrimoniaux ? Comment sont-ils identifiés et hiérarchisés ? Ces hiérarchies influencent-elles la conservation et l'appropriation des objets patrimoniaux et leur inscription dans une échelle de valeurs de plus en plus standardisée et mondialisée? Les acteurs sont-ils en mesure de garantir la préservation de ce qu'ils transforment en patrimoine pour eux-mêmes et pour les générations futures ? Peut-on parler d’auto-patrimonialisation et de sur patrimonialisation ? Résultat de disputes et de négociations, de consensus et de dissensions, ces processus s'insèrent dans les enjeux mondiales du patrimoine.

L'approche anthropologique des différentes expériences culturelles autour de ces processus « nous invite à repenser le monde du matériel avec un monde de matières en perpétuelle transformation » (CIHA, Appel à sessions). La création artistique, les lieux de formation, les ateliers de travail, les espaces d'exposition, le marché de l'art, la fabrication des matériaux, entre autres sujets et territoires de l'art, sont convoqués par ces processus. En ce sens, la visibilité croissante des biens patrimonialisés offre de nouvelles perspectives pour l'étude de ces phénomènes. L'avènement du numérique a provoqué une transformation radicale dans la mobilisation cognitive, esthétique et affective des biens et processus patrimoniaux. La photographie, ayant participé activement à la fabrication et perception de patrimoines divers, a instauré une culture sur les objets matériels et immatériels du passé et, en même temps, un profond renouvellement technologique et conceptuel de ses pratiques et usages. On pourrait en dire autant du livre, du musée, du monument, du paysage, de l'œuvre d'art.

Les processus de patrimonialisation indiquent également que les objets matériels du passé et ceux qui émergent aujourd’hui soient regardés comme une matérialité en permanente interaction avec le choix de mémoire et de l’oubli. Explorer les similitudes, les différences et les connexions entre ces processus, parfois extrêmement hétérogènes, est enrichissant pour l'histoire de l'art. Et vice versa. Malgré la multiplicité des approches locales du patrimoine, les patrimonialisations sont concernées par les mêmes enjeux globaux qui traversent l'art, sa matérialité, son histoire et son avenir (la bibliographie de référence sur le thème peut être enrichie des différents contributions).