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36ème Congrès du CIHA - Lyon 2024

Parrainé par le Ministère de la Culture,
le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Matière et forme. Retour sur la théorie de l’hylémorphisme dans la théorie des arts au premier âge moderne

Ralph Dekoninck 1, Baptiste Tochon-Danguy 2

1 Université De Louvain - Louvain-La-Neuve (Belgium), 2 Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris (France)

Sujet en anglais / Topic in english

This session proposes to question the place of the theory of hylemorphism in the early-modern theory of art. This Aristotelian concept considers every physical object as a compound of form and matter, form being both what organises matter and directs it towards its end. In living beings, matter is identified with the body and form with the soul. For artefacts, the form introduced into the material is identified with the likeness to the figure represented and/or the model in the mind of the craftsman/artist.

Taking advantage of the increased attention paid in recent years to the presence of Aristotelian philosophy in the theories of the arts in the Renaissance and Baroque age, it is this latter dimension that we wish to explore. While stressing that the terms "form" and "matter", omnipresent in the artistic literature of these periods, do not necessarily have a philosophical connotation, the aim here is to highlight the explicit and implicit references to the Peripatetic theory of hylemorphism and, even more so, to all its scholastic variations and derivations, which can affect other fields such as theology.

It will also consider the way in which the form-matter duo is coupled with a soul-body duo, as expressed in particular, but very prominently, in the symbolic literature of the early modern age. Thus, in the composite genres of the imprese and the emblem, the image is often designated as the "body" or "matter", while the "soul" or "form" is sometimes assimilated to the words that determine and fix the meaning, and sometimes to the meaning itself or to the author's intention.

From the point of view of art theory, it is necessary to reconsider the occultation of matter under the primacy of form, an occultation that contributes to the ennoblement of the arts. Given that we can speak of a certain indeterminacy — already present in Aristotle — of the concept of "form", which floats between three meanings (form as a resemblance to a being or an object; form in the mind of the artist; form as the totality of the contours of a painting or a sculpture), we will consider the effects of such indeterminacy on the conceptions of matter that emerge, in a certain way, in a hollow.

It will also be interesting to consider the way in which the assimilation of the subject of a work to its material will progressively impose itself, no doubt under the influence of poetics. In return, insofar as one of the Aristotelian examples illustrating the hylemorphic theory is that of the statue, it will also question the influence of artistic models in literary and philosophical thinking on matter, with many poets and philosophers turning to the example of the plastic arts to determine what matter and form would be.

Sujet de la session en français / Topic in french

Cette session propose d’interroger la place de la théorie de l’hylémorphisme dans la pensée de l’art au premier âge moderne. Cette théorie aristotélicienne considère tout objet physique comme un composé de forme et de matière, la forme étant à la fois ce qui organise la matière et l’oriente vers sa fin. Chez les êtres vivants, la matière est identifiée au corps et la forme à l’âme. Pour les artefacts, la forme introduite dans la matière est identifiée à la ressemblance à la figure représentée et/ou au modèle qui se trouve dans l’esprit de l’artisan/artiste.

En tirant parti de l’attention accrue portée, ces dernières années, à la présence de la philosophie aristotélicienne dans les théories des arts à la Renaissance et à l’âge baroque, c’est cette dernière dimension ou application qu’on souhaite explorer. Tout en soulignant que les termes de « forme » et de « matière », omniprésents dans la littérature artistique de ces époques, n’ont pas forcément de connotation philosophique, il s’agira ici de mettre en évidence les références explicites comme implicites à la théorie péripatéticienne de l’hylémorphisme et, plus encore, à toutes ses déclinaisons et dérivations scolastiques, qui peuvent toucher d’autres champs   comme ceux  de la  théologie. Il s’agira également d’envisager la façon dont le duo forme-matière se double d’un duo âme- corps, tel qu’il s’exprime notamment, mais de façon très prégnante, dans la littérature symbolique du premier âge moderne. Ainsi, dans les genres composés de la devise et de l’emblème, l’image est souvent désignée comme en étant le « corps » ou la « matière », tandis que l’« âme » ou la « forme » est assimilée tantôt aux paroles qui déterminent et fixent le sens, tantôt au sens lui-même ou à l’intention de l’auteur.

Du côté des théories de l’art, il convient de reconsidérer l’occultation de la matière sous le primat de la forme, occultation participant à l’anoblissement des arts. Etant donné qu’on peut parler d’une certaine indétermination – déjà présente chez Aristote – du concept de « forme » flottant entre trois acceptions (la forme comme ressemblance à un être ou à un objet ; la forme qui se trouve dans l’esprit de l’artiste ; la forme comme l’ensemble des contours d’une peinture ou d’une sculpture), il s’agira d’envisager les effets d’une telle indétermination sur les conceptions de la matière qui se dégagent, d’une certaine manière, en creux.

Il sera de même intéressant de considérer la façon dont l’assimilation du sujet d’une œuvre à sa matière va progressivement s’imposer, sans doute sous l’influence des poétiques. En retour, dans la mesure où l’un des exemples aristotéliciens illustrant la théorie hylémorphique est celui de la statue, il sera question aussi d’interroger la prégnance des modèles artistiques dans la pensée littéraire et philosophique de la matière, bien des poéticiens et des philosophes se tournant vers l’exemple des arts plastiques pour déterminer ce que seraient la matière et la forme.